J'aime relire de temps à autres des poèmes de William Blake, ce graveur, peintre et poète anglais, né à Londres en 1757 et décédé en 1827. Peu connu de son temps, les romantiques et les symbolistes virent en lui un précurseur audacieux.
C'est d'après beaucoup un artiste visionnaire qui croit au rôle prophétique de la poésie.
William Blake est une personnalité qui maîtrise aussi bien des formes d'expression aussi différentes que la peinture ou la poésie !
Comme un voilier part dans la lumière du matin
Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin et part vers l'océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Quelqu'un à mon côté dit :
"Il est parti !"
Parti ? Vers où ?
Parti de mon regard, c'est tout...
Son mât est toujours aussi haut,
sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi,
pas en lui.
Et juste au moment où quelqu'un près de moi dit : "Il est parti !",
il en est d'autres qui, le voyant poindre à l'horizon et venir vers eux,
s'exclament avec joie :
"Le voilà !"...
C'est cela la mort.
Photo ©Annick Sert
Mariage du Ciel et de l’Enfer (extrait)
Dans le temps des semailles, apprends ; dans le temps des moissons, enseigne ; en hiver, jouis.
Conduis ton char et ta charrue par-dessus les ossements des morts.
Le chemin de l’excès mène au palais de la Sagesse.
La Prudence est une riche et laide vieille fille à qui l’incapacité fait la cour.
Le Désir non suivi d’action engendre la pestilence.
Le ver que coupe la charrue, lui pardonne.
Celui qui aime l’eau, qu’on le plonge dans la rivière.
Un sage ne voit pas le même arbre qu’un fou.
Celui dont le visage est sans rayons ne deviendra jamais une étoile.
Des ouvrages du temps l’Éternité reste amoureuse.
La diligente abeille n’a pas de temps pour la tristesse.
Les heures de la folie sont mesurées par l’horloge, mais celles de la sagesse aucune horloge ne les peut mesurer.
Les seules nourritures salubres sont celles que ne prend ni nasse ni trébuchet.
Livre de comptes, toise et balance – garde cela pour les temps de disette.
L’oiseau ne vole jamais trop haut, qui vole de ses propres ailes.
Un corps mort ne venge pas d’une injure.
L’acte le plus sublime, c’est de placer un autre avant soi.
Si le fou persévérait dans sa folie, il rencontrerait la Sagesse.
Insanité, masque du fourbe.
Pudeur, masque de l’orgueil.
C’est avec les pierres de la Loi qu’on a bâti les prisons et avec les briques de la religion, les bordels.
Orgueil de paon, gloire de Dieu ;
Lubricité du bouc, munificence de Dieu ;
Colère du lion, sapience de Dieu ;
Nudité de la femme, travail de Dieu.
L’excès de chagrin rit ; l’excès de plaisir, pleure.
Le rugissement des lions, le hurlement des loups, le soulèvement de la mer en furie et le glaive destructeur, sont des morceaux d’éternité trop énormes pour l’œil des hommes.
Renard pris n’accuse que le piège.
La joie féconde, la douleur accouche.
Que l’homme vête la dépouille du lion ; la femme, la toison de la brebis.
A l’oiseau le nid ; à l’araignée la toile ; à l’homme l’amitié.
Le fou égoïste et souriant, et le fou morne et renfrogné, seront tenus tous deux pour sages, et serviront de verge et de fléau.
Évidence d’aujourd’hui, imagination d’hier.
Le rat, la souris, le renard, le lapin, regardent vers les racines ; le lion, le tigre, le cheval, l’éléphant regardent vers les fruits.
Citerne contient, fontaine déborde.
Une pensée, et l’immensité est emplie.
Sois toujours prêt à dire ton opinion, et le lâche t’évitera.
Tout ce qu’il est possible de croire, est un miroir de vérité.
L’aigle jamais n’a perdu plus de temps, qu’en écoutant les leçons du corbeau.
Le renard se pourvoit, Dieu pourvoit au lion.
Le matin, pense ; à midi, agis ; le soir, mange ; la nuit, dors.
Qui s’en est laissé imposer par toi, te connaît.
La charrue ne suit pas plus les paroles que la récompense de Dieu les prières.
Les tigres de la colère sont plus sages que les chevaux du savoir.
N’attends que du poison des eaux stagnantes.
Celui-là seul connaît la suffisance, qui d’abord a connu l’excès.
Souffrir les remontrances du fou : privilège royal.
Yeux, de feu ; narines, d’air ; bouche, d’eau ; barbe, de terre.
Pauvre en courage est riche en ruse.
Le pommier pour pousser ne prend point conseil du hêtre ; ni le lion, ni le cheval pour se nourrir.
Aux reconnaissants, les mains pleines.
C’est parce que d’autres ont été fous, que nous, nous pouvons ne pas l’être.
L’âme du doux plaisir ne peut être souillée.
Si plane un aigle, lève la tête ; tu contemples une parcelle de génie.
De même que la chenille choisit, pour y poser ses œufs, les feuilles les plus belles ; ainsi le prêtre pose ses malédictions sur nos plus belles joies.
Pour créer la moindre fleur, des siècles ont travaillé.
Malédiction tonifie ; Bénédiction lénifie.
Le meilleur vin, c’est le plus vieux ; la meilleure eaux, c’est la plus neuve.
Les prières ne labourent pas ! Les louanges, ne moissonnent pas ! Les joies, ne rient pas ! Les chagrins, ne pleurent pas !
Tête, le Sublime ; cœur, le Pathos ; génitoires, la Beauté ; pieds et mains, la Proportion.
Tel l’air à l’oiseau, ou la mer au poisson, le mépris à qui le mérite.
Le corbeau voudrait que tout soit noir, et le hibou que tout soit blanc.
Exubérance, c’est Beauté !
Le lion serait rusé, si conseillé par le renard.
La culture trace des chemins droits ; mais les chemins tortueux sans profit sont ceux-là mêmes du génie.
Plutôt étouffer un enfant au berceau, que de bercer d’insatisfaits désirs.
L’homme absent, la nature est stérile.
La vérité, jamais ne peut être dite de telle manière qu’elle soit comprise et ne soit pas crue.
Suffisamment – ou davantage encore.
The Echoing Green
The sun does arise,
And make happy the skies.
The merry bells ring
To welcome the spring.
The skylark and thrush,
The birds of the bush,
Sing louder around,
To the bells’ cheerful sound,
While our sports shall be seen
On the echoing green.
Old John with white hair
Does laugh away care,
Sitting under the oak,
Among the old folk.
They laugh at our play,
And soon they all say:
‘Such, such were the joys
When we all, girls and boys,
In our youth-time were seen
On the echoing green.’
Till the little ones weary
No more can be merry;
The sun does descend,
And our sports have an end.
Round the laps of their mother
Many sisters and brothers,
Like birds in their nest,
Are ready for rest;
And sport no more seen
On the darkening green.
Le troisième poème en anglais a été trouvé sur le blog "words and dreams" d'une amie :
http://words-dreams.blogspot.com
3 commentaires:
Comment ne pas laisser un commentaire devant tant de subtilité à saisir l'essentiel.
je vais ajouter un petit poème de William Blake :
" Chaque matin et chaque nuit,
certains naissent pour le chagrin,
Chaque nuit et chaque matin,
certains naissent pour le délice exquis,
Certains pour le délice exquis,
Certains pour la nuit infinie..."
David
On se sent bien, chez vous, cher Anne. Vos photos, vos peintures inspirent la quiétude des grands promeneurs solitaires.
La photo de cette maison est très étrange. On la croirait tout juste sortie du XIXème.
Si c'est là que vous demeurez, elle doit être pour vous beaucoup plus qu'une simple demeure, un havre de paix, une grande source d'inspiration.
j'ai bien connu Jean Ferrat. Je suis né à Antraigues. Enfants, nous montions nous baigner dans "sa rivière" La Mas et il aimait notre compagnie. Il avait son âne, il avait son chien et Christine, son épouse, possédait une volière avec des effraies et des hiboux. Nous étions en 1970, le maire Jean Saussac, artiste peintre, invitait Lino Ventura qui jouait à la pétanque avec des boules ovales.
Nous étions heureux en ce temps là, aussi tranquilles et sereins que sur votre blog.
David, l'Ardéchois.
Cette dernière page est pleine de beauté et de sérénité. Si le monde n'était que cela, il faudrait lui changer de nom. Sans doute faut-il des blogs comme le tiens pour apporter un peu de culture et de rêve sur tterre.
Bien amicalement,
Roger
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